Après cette courte étape au Chili nous voila plongés dans un univers insulaire, au milieu dune population bien sympathique, joviale, vivant au jour le jour avec ses soleils et ses difficultés...
L’équipe !!
Nous sommes 7 :
Pascal, notre ‘mayor’ : à l’initiative du projet, il est déjà venu deux fois a Marajó. Cela fait déjà 30 ans qu'il lance et suit des projets de développement en faveur des plus pauvres. Une communauté musulmane de lépreux au Niger, des français dont les services sociaux ne veulent plus… Les destinataires de ces projets sont de tous horizons! On ne se lasse pas d’écouter les anecdotes cocasses, belles ou sordides de ses précédentes aventures…
Jude, un de ses fils, étudiant en architecture : il a déjà bien bourrelingué avec sa famille à tous les coins du globe… Une vie assez originale…
Anaïs, urbaniste : vous la connaissez déjà, pour beaucoup, cette petite rousse toute mignonne qui vous à tous fait craquer un jour ou l'autre, c'est elle qui nous a embarqué dans l'aventure!
Isabelle, travaille a l'UNESCO : franco brésilienne... Ouf! Il y en a au moins une qui parle portugais! Isabelle se penche plus sur les aspects sociaux et associatifs…
Sandra nous a rejoins après avoir fait une escale involontaire a Cayenne et squatté chez tous les gens qu'elle a pu rencontrer en chemin… Soizic a connu Sandra a Montpellier, elle est juriste et va se pencher sur la question des droits de l'homme et sur la structure que nous allons choisir de monter.
Maria et Miriam n’ont pas pu venir mais restent complètement intégrées dans le projet, étant l'une et l'autre très attachées au Brésil et plus particulièrement à ces populations du nordeste. Maria est brésilienne, médecin a Rio. Miriam est maroco-allemande, Elle et Soizic se sont rencontrées à Bremen. Elle a vécu un an et demi au Brésil quand elle était étudiante et en a fait le sujet de son diplôme : comment produire des richesses qui profitent directement aux communautés indigènes, a travers un projet d'éco-tourisme notamment. Leurs responsabilités respectives dans leur travail ne leur ont pas permis de nous accompagner cette fois ci…
Le projet
Pascal a souhaité monter ce projet au Brésil selon une approche pluridisciplinaire et sans couleur ni politique ni religieuse, afin d'une part que le projet soit destiné à tous, et d'autre part pouvoir choisir la forme sous laquelle le projet fonctionnera le mieux : une association? Une ONG? Une entreprise éthiquement correcte? Un partenariat avec des institutions locales : la préfecture, les institutions religieuses?
Tandis que Sandra, Isabelle et Pascal analysent plus en détail les projets existants à Brévès, permettant de comprendre quel type de projets fonctionne, Jude et Soizic se penchent plus en détail sur les questions de construction, et toute l'équipe explore les lieux et tente d'en tirer une problématique fondamentale...
Le tableau
Brévès est une petite ville de 90 000 habitants, située à 400 km de Belem. Située à l'embouchure de l'amazone, la ville est marquée par deux saisons, l'une plus pluvieuse que l'autre, la végétation est donc luxuriante, les paysages magnifiques, les orages de fin de journée somptueux…
En général, les services publics brésiliens sont très organisés, les professionnels hyper compétents, l’administration très lourde mais très rigoureuse. Une seule ombre au tableau, et pas des moindres: la corruption. Comme à de nombreux endroits, Marajo serait un petit paradis si l'économie locale, tournée vers le bois d'exportation, profitait réellement à la population, et si les détournements d'argent n'empêchaient pas les projets d'aboutir… Les conséquences sont rudes : le manque d’infrastructures à l’intérieur de l'île conduit tous les habitants à migrer vers la ville de Brévès. La ville croit énormément et a du mal à faire face à ces invasions. Son préfet ici n'a pas bonne réputation. Il est le décideur, et la ville est soumise à ses caprices.
Nous avons donc commencé par explorer toutes ces zones "d'invasãon" (en portugais dans le texte). Notre démarche consiste dans un premier temps à se faire petite souris dans un lieu, à rencontrer les gens les plus humbles.
Nous arpentons donc les quartiers, rentrant plus en profondeur dans certains d'entre eux, accompagnés de deux jeunes qui ont grandi ici… Les populations se sont installées en bordure de la petite ville, dans des zones bien marécageuses. Petite cabanes de bois sur pilotis... Un entrelas de pontons plus ou moins défectueux dessert chacune d'entre elles. Peu a peu, les habitants remblaient avec les copeaux et la sciure récupérés dans les énormes scieries exportant les bois tropicaux les meilleurs au monde. La saison des pluies apporte son lot de pluies diluviennes dans ces marécages, et la marée, quotidiennement, inonde encore plus la zone. Les zones remblayées restent donc spongieuses et certaines d'entre elles difficilement praticables à certains moments. On assiste chaque jour à quelques dégringolades sur les pontons cassés…
Peu à peu, nous rencontrons des familles, rentrons dans leurs maisons, un dialogue s'instaure, maladroit mais sympathique et direct vu notre niveau de portugais…. Ces gens n'ont bien souvent que de maigres revenus, glanés par un petit travail par-ci par la. Difficile de trouver de quoi se nourrir, les gens étant en plus culturellement habitués à pêcher et à cueillir de l'assaï en tendant la main. Les enfants sont scolarisés, reçoivent des bourses d'études qui couvrent à peine la moitie des fournitures scolaires. Le problème de la santé est gravissime. La malaria ne touche que peu la ville, mais les cas de diarrhées, allergies, grippes, fièvres jaunes, hépatites, emportent beaucoup de gens, il y a même eu 2 cas de lèpres détectés la semaine dernière, sur une population de 1400 familles. Ce qui est énorme pour une maladie qui se détecte et se soigne très bien.
Ce qui nous frappe tous d'abord est l'omniprésence, en plus ou moins grande quantité selon les heures, de cette eau très sale baignant les maisons, dans laquelle se mêlent ordures et déjections humaines… La présence de cette eau et le manque d'hygiène induisent évidemment tous ces problèmes de santé, et le thème de l'eau nous paraît être un axe de travail valable pour notre petite équipe réduite à son lot de techniciens. Sans compétences médicales nous pouvons intervenir sur la santé en améliorant l’espace environnant les maisons : comment assainir la zone extrêmement polluée dans laquelle les enfants pataugent quotidiennement?
Nous remarquons quelques initiatives existantes bien intéressantes : Les habitants s'organisent en corvée du samedi pour remblayer leurs terrains, certains, habitant déjà sur du "dur", récurent leurs fossés… Mais ces initiatives sont ponctuelles et ne sont pas coordonnées. Les remblais créent des poches d'eau, les fossés non récurés empêchent l'eau de circuler. Et la marée ré-imbibe les sols … L'ensemble manque de cohérence. Nous étudions un petit bout de quartier plus en détail, réfléchissons à un petit projet pour l'assainir.
Nous avons rapidement une idée pour y parvenir. Pourquoi ne pas canaliser le petit bras de rivière qui traverse ce quartier et l'isoler de la rivière avec un barrage? De cette façon, la marée haute ne pénétrerait plus dans le quartier. Le niveau général du bras de rivière étant rabaissé, il est plus facile d'y assurer un écoulement des eaux de pluies et eaux usées en creusant tous les fossés avec une pente un peu plus forte… Et pour évacuer les eaux de pluies à marée haute, une pompe bien dimensionnée suffirait.
Mais un tel projet ne pourrait pas fonctionner si les gens ne changent pas leurs habitudes en termes de toilettes. La présence aujourd'hui de la marée et de l'eau sous toutes les maisons permet d'évacuer une petite partie des déchets et excréments dans l'amazone. Mais demain sans cette eau? Pour éviter une pollution des sols encore plus importante et l'effet contraire de ce que nous recherchons, il est essentiel de travailler sur le thème des toilettes et des ordures. Peut-être des toilettes sèches, vu la quantité de sciure de bois rejetée par les scieries?
L'idée est aussi, vu la démission des autorités dans ces quartiers périphériques, de motiver les habitants pour qu'ils prennent en main leur quartier, leurs conditions de vie, qu'ils assurent eux même l'entretien des ouvrages et fossés, la sécurité de la pompe et du barrage. Créer peut-être, grâce à un projet simple et commun, un esprit de communauté, qui apporterait plus de solidarité, de sécurité dans ces quartiers délaissés. C'est le travail qui demanderait le plus de patience… Un projet de plusieurs années.
C'est à ce stade que nous rencontrons les leaders. Nous ne souhaitions pas les voir dès le début car ils peuvent avoir un discours un peu orienté.
Nous organisons une petite réunion dont le but est de percevoir leurs sentiments sur leur quartier, de leur présenter le projet et de le confronter à leurs réactions quelle qu'elles soient. Le projet répond-il à une priorité? Quels problèmes sous-jacents allons nous rencontrer? Nous apprenons encore une fois qu'ici les projets "ne durent pas". Mais cela dépend beaucoup de l'état d'esprit dans lequel un projet est monté… A nous de jouer… Nous continuons nos recherches, écrivons un dossier, et pensons aller à la pêche aux subventions pour, lors d'un prochain voyage, tenter de mettre en place le projet…